Dans le prix Goncourt 2018, Les enfants après eux de Nicolas Mathieu, il est question d’enfants et de parents, de bourgeois moyens, d’ouvriers, de chômeurs, de « cas soc » d’une région du Nord en deuil de ses hauts-fourneaux. Les politiques tentent de la faire revivre à coups de commercialisation de masse, de réhabilitation du patrimoine pour attirer le tourisme ou encore de rebaptisation de la région en « Hauts de France ».
Et pourtant…. il ne fait pas bon vivre en Lorraine à la fin du 20e siècle : les parents sont blasés, aigris d’avoir perdu leur emploi et leur santé dans un travail de métallos ; ils vivotent péniblement sous le regard très critique de leurs adolescents. Quel que soit leur milieu, ces jeunes veulent quitter cette vie étriquée. L’ascenseur social, c’est grâce au travail et à l’étude acharnée que l’on peut espérer en sortir. Certains réussissent, d’autres non. Le lecteur suit leur évolution sur 4 étés ; le 4e est celui où la France gagne sa (première) Coupe du monde de football.
Un roman de société
N’attendez pas une intrigue à rebondissements, lisez ce roman comme une fresque sociale d’une région en transition. Petit à petit, je me suis attachée aux personnages et Nicolas Mathieu les décrit avec tellement de finesse que le lecteur est l’observateur discret de l’intimité de plusieurs familles. Se calquer sur le mode de vie des parents ou être capable d’aller voir ailleurs ? Le poids du milieu ne stimule pas toujours à se dépasser, surtout quand les parents n’ont pas réglé leurs frustrations.
La malbouffe, l’alcool, les dettes, les immigrés responsables de tous les maux, les bals du 14 juillet, les zones pavillonnaires : rien n’est oublié pour dresser le tableau d’une région qui a voté FN aux dernières élections en 2015 et 2017. Pas de question, pas de jugement, un constat gris et fort.
J’ai apprécié
- le souci de réalisme de l’auteur.
- certaines scènes dignes de tableaux d’un Breughel du 20e siècle, comme par exemple celle de l’enterrement.
- retrouver l’ambiance crue mais si juste du livre Eddy Bellegueuele d’Edouard Louis ou encore de films d’auteurs comme Bouli Lanners ou les frères Dardenne.
Coralie leur avait trouvé un super-camping. (…) Ils avaient traversé toute la France avec leur Fiat Punto pour passer la vie à rien foutre. (…).Ils déjeunaient de tomates et de poulet grillé, d’aubergines frites, de salade de riz et de sardines. La vie était d’une simplicité déconcertante. Après le repas, ils restaient dans leurs chaises en tissu, somnolant, tandis que la chaleur retombait comme un silence. On appelait ça la sieste. A l’ombre de leur auvent, un couple de quinquagénaires en maillot écoutait le Tour de France en sourdine, sur un vieux transistor.

Nos enfants après eux – Nicolas Mathieu – Plaisirsdelire