Je l’ai déjà dit, ce que j’aime quand je pars en voyage, c’est emporter dans ma valise un livre dont l’histoire se déroule dans le pays que je visite. Ainsi, accompagnant des élèves à Prague, je n’ai pas pu résister à relire le fameux HHhH de Laurent Binet. (Pour le bonus Lire HHhH à Prague c’est tout en bas de l’article.)
HHhH c’est un drôle de titre qui veut dire « Himmler Hirn heiβt Heydrich » (traduction : « Le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich »). Ce Heydrich, que l’on surnomme également le bourreau de Prague (vous commencez à cerner le personnage), c’est le chef de la Gestapo, le planificateur de la Solution finale, le vice-gouverneur du Reich en Bohème-Moravie. Pas étonnement donc, qu’à Londres, on décide de l’éliminer. C’est le but de l’opération « Anthropoid » : l’attentat de la « bête blonde » par un Slovaque, Jozef Gabčík et un Tchèque Jan Kubiš. Mais ce livre ne se limite pas à ce seul événement historique. Il nous parle de la vie de Heydrich, de son ascension au pouvoir, de la montée en puissance des Nazis, de la Tchécoslovaquie. On voyage dans les rues de Prague et on en apprend énormément sur cette région d’Europe et son histoire que l’on connaît finalement moins bien.
Comment écrire un roman historique ? C’est la question que Laurent Binet va se poser tout au long de son livre. En marge de l’intrigue racontée – l’attentat mené contre Heydrich à Prague en 1942 – l’auteur nous emmène dans les méandres de sa pensée, de ses questionnements qui le poussent à vouloir à tout prix raconter ce fait historique le plus exactement possible. On suit ses recherches, ses documentations, son cheminement ; il nous fait part de ses avis très (trop ?) tranchés sur ces personnages historiques, sur la manière dont ils ont déjà été traités au cinéma, dans la littérature ; on réfléchit ensemble sur le lien entre vérité, réalité et fiction, sur la position difficile des romans historiques. Si cette thématique vous dit quelque chose, c’est parce que nous en avons déjà parlé ici encore avec D’après une histoire vraie de Delphine de Vigan.
Alors, livre historique ? Non, puisque l’auteur ne s’attache pas seulement aux faits. Roman ? Pas tellement non plus car l’auteur ne veut pas tomber dans la fiction, notamment en refusant d’écrire des faux dialogues. Alors oui, son style et ses jugements de valeurs ont dérangé certains. Je peux les comprendre et il est vrai que l’auteur peut paraître un peu pédant mais personnellement, j’ai beaucoup apprécié cette lecture.
J’ai aimé :
- apprendre, apprendre, apprendre. Sur tant de sujets autour de la Deuxième Guerre mondiale.
- lire ce livre en étant à Prague, reconnaître les lieux abordés dans le livre, m’imprégner de cette ambiance pragoise.
- la réflexion que fait l’auteur sur son récit en construction et sur lui-même en train de le construire.
C’est un combat perdu d’avance. Je ne peux pas raconter cette histoire telle qu’elle devrait l’être. Tout ce fatras de personnages, d’événements, de dates, et l’arborescence infinie des liens de cause à effet, et ces gens, ces vrais gens qui ont vraiment existé, avec leur vie, leurs actes et leurs pensées dont je frôle un pan infime… Je me cogne sans cesse contre ce mur de l’Histoire sur lequel grimpe et s’étend, sans jamais s’arrêter, toujours plus haut et toujours plus dru, le lierre décourageant de la causalité.
La musique est le langage créatif de ceux qui sont artistes et mélomanes, le moyen d’expression de leur vie intérieure. Dans les temps difficiles, elle apporte le soulagement à celui qui l’écoute et elle l’encourage dans les temps de grandeur et de combat.
En même temps, j’ai dit que je ne voulais pas faire un manuel d’histoire. Cette histoire-là, j’en fais une affaire personnelle. C’est pourquoi mes visions se mélangent quelquefois aux faits avérés. Voilà, c’est comme ça.
BONUS : Lire HHhH à Prague et….
- se recueillir à l’Eglise Saints-Cyrille-et-Méthode, lieu de refuge pour les parachutistes. Profitez-en pour admirer la maison dansante non loin de là. Je vous conseille de prendre un verre en haut du bâtiment afin de profiter d’une belle vue sur Prague.
HHhH Laurent Binet
- Se promener dans le château de Prague où Heydrich avait décidé d’installer sa famille et replonger dans l’histoire des monarques de la Bohème-Moravie.
HHhH Laurent Binet
- Se frayer un chemin parmi les touristes sur le pont Charles et chercher l’épée coupeuse de têtes qui y est emmurée. N’oubliez pas de gouter les fameux trdelnik de good food non loin du pont.
HHhH Laurent Binet
- Si vous avez le temps, vous rendre au camp de concentration et au ghetto de Terezin à 1 heure de Prague.
HHhH Laurent Binet
- Si vous logez à Prague 8, faites un tour au Mama coffee, délicieux brunch et petits déjeuners. (Rien à voir avec HHhH mais c’était trop bon pour ne pas vous en parler).

HHhH Laurent Binet