Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de mettre un visage et un nom sur ces « réfugiés » dont on parle si souvent dans la presse, lisez plus que jamais le roman de Pascal Manoukian Les échoués. Impossible de rester insensible à ces vies nomades et pénibles des 2 (anti) héros de ce récit. Assan est somalien et a réussi à sortir sa fille de son pays en guerre, Virgil est moldave et quitte son village avec l’intention de faire venir ensuite toute sa famille en France pour lui assurer enfin une vie décente.
Les routes de l’émigration ne sont pas sans risque ni danger pour ces hommes et une fois arrivés à Paris, l’Eldorado s’avère un terrain miné à chaque pas. La police à leurs guêtres, les indigènes hostiles et le monde des illégaux un véritable ring de lutte où tout se monnaie et où la solidarité est une valeur trop peu répandue, voilà ce qui constitue leur quotidien. Heureusement, une amitié se lie entre Virgil et Assan et les porte dans leur souffrance. Vies de sacrifices et de douleur pour donner aux leurs une certaine dignité humaine, vies clairsemées de rares moments de chaleur et de soutien. Certains ne résistent pas. Et vont jusqu’au bout du don d’amour pour leurs proches.
J’ai été interpellée par
- la vision concrète offerte ici du vécu de survie et d’insalubrité des illégaux que nous croisons dans nos villes
- le triste besoin de profit de l’homme à tous les rangs de la société
- le sens de l’accueil généreux d’une famille française, minime proportion à l’échelle de toute la population française
- la force de témoignage réaliste de ce roman grâce aux qualités journalistiques de l’auteur
Les migrants laissaient derrière eux des pays hospices, perfusés, où seuls les vieux, les faibles et les malades attendaient bouche ouverte qu’on leur envoie la becquée par virement bancaire. Les enfants grandissaient sans jamais voir leurs parents, les mourants étaient portés en terre sans personne derrière eux. Leur monde s’asséchait.
Presque plus personne n’utilisait le téléphone public, sauf les clandestins et les sans-abris. Les uns, la nuit pour dormir, les autres, le jour, pour donner des nouvelles. A travers les vitres taguées s’échappaient des bribes d’intimité , avec comme seul filtre la barrière des langues et des accents. Une Eurovision de la solitude et du mensonge où chacun essayait de faire croire à l’autre que tout allait bien.

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