Qu’est devenu le bourreau d’Auswitchz après la guerre ? Dans La disparition de Joseph Mengele, Olivier Guez retrace de façon très historique le parcours caché du médecin après la défaite nazie. Cet homme terrifiant de pouvoir, d’ingéniosité perverse qui a martyrisé et tué des milliers de prisonniers prétendument au service de la recherche médicale régnait en tyran sur tout le camp. Après 1945, il a basculé dans l’anonymat, cherchant sans cesse à se faire oublier pour éviter d’être attrapé et jugé pour ses actes.
L’intérêt de ce roman réside dans ce que l’on apprend sur cette période allemande d’après-guerre : la fuite de nombreux hauts dirigeants nazis en Amérique latine tandis que d’autres se glissent dans le moule de la sphère publique de l’Allemagne d’Adenauer plus soucieuse d’oublier que de punir ces meurtriers de masse. Grâce à ce livre, on en apprend plus aussi sur l’Histoire de l’Amérique latine qui ferme les yeux sur ces nombreux nazis qu’elle accueille sans se préoccuper de leur passé sombre et plus attachée à la gestion politique interne qu’aux relations internationales.
La recherche bibliographique de ce « roman vrai » est telle (il suffit de parcourir la longue bibliographie à la fin du livre) qu’on peut se demander où se trouve la part romancée de ce récit biographique. Sans doute quand l’auteur se met dans la peau de Mengele qui redoute plus que tout d’être reconnu, au point de se sentir partout traqué.
Le père et la famille directe de Mengele l’ont protégé pendant des années et ont largement assuré sa survie ; le regard de son fils, quant à lui, symbolise à mes yeux celui des générations suivantes, décidées à affronter le passé, jusqu’à collaborer avec les services de recherche juifs. L’Allemagne des années 70 et des gouvernements Brandt a besoin de clamer haut et fort son dégoût total de cette période noire de son Histoire.
Le dernier chapitre du roman –long d’une petite page- pose une réflexion et formule un avertissement :
Toutes les deux ou trois générations, lorsque les derniers témoins des massacres précédents disparaissent, la raison s’éclipse et des hommes reviennent propager le mal.
Puissent-ils rester loin de nous, les songes et les chimères de la nuit.
Méfiance, l’homme est une créature malléable, il faut se méfier des hommes.
Par ce roman recompensé du Prix Renaudot, Olivier Guez fait un travail de mémoire extraordinaire pour nous inciter à ne pas replonger dans les ténèbres.

La disparition de Joseph Mengele