Cet été, nous avons pris le temps de lire et de nous imprégner du roman Bakhita de Véronique Olmi. Aucune légèreté, c’est de la force qui se dégage de cette biographie, à l’image de cette femme « imposante et simple » à la fois. Vous avez surement déjà eu des échos de ce livre mais impossible de résister à l’envie de vous partager notre lecture.
Bakhita, une esclave, arrivée à Venise après s’être fait acheter au Soudan par un consul italien, découvre une Europe aux mœurs d’apparence moins violentes mais faite de deux mondes parallèles : les riches et de l’autre côté les pauvres enchainés au bon vouloir des maitres. Affranchie, elle est initiée à l’éducation chrétienne aux côtés d’une petite fille dont elle a la charge et qu’elle a sauvée de la mort au moment de sa naissance. Malgré cet attachement, Bakhita choisit de la quitter et de s’engager dans une autre voie : rester au couvent et donner sa vie à Celui dont elle se sent enfin pleinement aimée.
Mais comment survivre après l’arrachement d’une violence insupportable à lire vécu lors de sa petite enfance et l’enchainement à ses bourreaux qui l’ont moins bien traitée qu’une chose ? Que cache son attitude de soumission apparente ? Voilà les questions qui animaient sûrement Véronique Olmi quand elle a entrepris d’écrire ce livre. Si Bakhkita obéit et dit toujours oui aux changements qui lui sont imposés, c’est parce que c’est de cette façon qu’elle a survécu. Cette soumission n’est que la face cachée de sa force intérieure et de sa volonté permanente de sortir de ses prisons. Malheureusement elle portera dans sa chair et dans son cœur les stigmates de ses souffrances jusqu’à son dernier souffle.

Bakhita – Véronique Olmi – Plaisirsdelire
Nous avons aimé :
- Le talent de l’auteur d’adopter au fil du récit tantôt le ton naïf de l’enfant et de l’adolescente, tantôt celui plus mûr de la femme et de la vieille Bakhita.
- L’écriture poétique qui apaise la lecture de scènes très difficiles.
- Nous nous sommes interrogées sur la façon dont l’Eglise italienne – fort proche du Duce – s’est servie de Bakhita pour défendre la cause du colonialisme.
- Nous avons beaucoup appris, dans les derniers chapitres, sur la période fasciste italienne et sur la période d’entre deux guerres qui explique cette ascension fulgurante de nationalisme violent.
Bakhita, c’est une jeune orpheline qui a, jusqu’à la fin de sa vie, cherché la main de sa mère perdue, c’est aussi une mère adoptive qui a tendu la sienne à des plus faibles qu’elle tout au long de son chemin. Cette double part de féminité, elle l’a portée toute sa vie et si devenir religieuse l’a empêchée de s’attacher personnellement, elle y a trouvé la façon d’aimer au sens large.
Et puis un jour, c’est le départ. Le vrai départ. (…) Elle ferme les yeux pour les revoir tous, du mieux qu’elle peut se souvenir des siens, et les emporter. Les yeux fermés elle se projette les images de l’enfance, la très lointaine enfance, quand Kishmet était la sœur aînée et veillait sur eux, car c’était cela, l’ordre du monde. Paisible. Et protégé.
Elle ne sait pas comment elle s’appelle. Elle ne sait pas en quelle langue sont ses rêves. Elle se souvient de mots en arabe, en turc, en italien, et elle parle quelques dialectes. Plusieurs viennent du Soudan et un autre, de Vénétie. […] Mais son nom elle ne l’a jamais retrouvé. Elle n’a jamais su comment elle s’appelait. Mais le plus important n’est pas là. Car qui elle était, enfant, quand elle portait le nom donné par son père, elle ne l’a pas oublié. Elle garde en elle, comme un hommage à l’enfance, la petite qu’elle fut. Cette enfant qui aurait dû mourir dans l’esclavage a survécu, cette enfant était et reste ce que personne jamais n’a réussi à lui prendre.
Si le sujet de l’esclavage vous intéresse, lisez les très beaux No Home et Underground Railroad.

Bakhita – Véronique Olmi – Plaisirsdelire