Avec son roman No home, Yaa Gyasi nous propose un véritable arbre généalogique qui prend racine en Côte-de-l’or (le Ghana actuel) fin 18e siècle avec Maame et ses deux filles Effia et Esi. Même si leurs destins se croiseront, les deux sœurs ne se rencontreront jamais. Toutes deux nées à un endroit différent, l’une épousera un capitaine anglais tandis que l’autre sera vendue comme esclave et déportée aux Etats-Unis. Deux lignées familiales qui, sur trois siècles, vivront l’histoire douloureuse de l’esclavagisme, la colonisation, l’abolitionnisme, la ségrégation.
De chapitre en chapitre, le lecteur se voit invité dans le quotidien des descendants des deux sœurs. Il devient alors le témoin des jeux de pouvoir entre les tribus africaines et de leur rôle dans la traite de leurs pairs, de la souffrance des esclaves dans les bateaux négriers ou encore de la cruauté dans les plantations. A travers les personnages, il conscientisera la douleur du racisme et de la violence sociale, de la difficulté d’être métisse, rejeté à la fois des blancs mais aussi des noirs et suivra l’évolution de l’esclavagisme aux lois de ségrégation en passant par l’abolitionnisme.
L’auteure nous entraine dans cette mosaïque de destins avec une langue émotive, puissante, évocatrice. Les paysages de l’Afrique se dessinent devant nous, on ressent la douleur du coup de fouet, la chaleur du soleil sur les dos courbés dans les plantations. Un roman magistral qui s’avère être le premier de Yaa Gyasi.
J’ai aimé :
- la luminosité de la couverture.
- la manière originale de raconter cette histoire. Certes, il faut s’habituer à changer de personnage à chaque chapitre (un arbre généalogique est repris en début de roman pour ceux qui se sentiraient perdus), mais cela permet au lecteur de mieux ressentir le poids du déracinement, de l’héritage des ancêtres, de la filiation d’une personne.
- en apprendre plus sur ces trois siècles d’esclavage et de ségrégation raciale, et dans cette même lignée, mieux comprendre l’histoire et l’actualité du peuple afro américain.
Nous croyons celui qui a le pouvoir. C’est à lui qu’incombe d’écrire l’histoire. Aussi quand vous étudiez l’histoire, vous devez toujours vous demander: « Quel est celui dont je ne connais pas l’histoire? Quelle voix n’a pas pu s’exprimer? » Une fois que vous avez compris cela, c’est à vous de découvrir cette histoire. A ce moment-là seulement, vous commencerez à avoir une image plus claire, bien qu’encore imparfaite.
Il y a plus en jeu que l’esclavage, mon frère. C’est à qui possédera la terre, les gens, le pouvoir. Tu ne peux pas planter un couteau dans une chèvre et dire ensuite « Maintenant je vais ôter mon couteau lentement, et il faut que les choses se passent facilement et proprement, qu’il n’y ait pas de dégâts. » Il y aura toujours du sang.

Yaa Gyasi