Je vous avais annoncé le roman de Tanguy Viel dans mon article lectures des mois d’été, le voici!
Arrêté pour avoir jeté à la mer le promoteur immobilier qui promettait monts et merveilles à toute une petite station balnéaire en perdition, Martial Veneur se retrouve face au juge d’instruction. Parler, mettre des mots sur la genèse de son crime lui permet de reconstituer l’enchaînement des évènements qui l’ont fait basculer : la fermeture de l’usine locale, le licenciement des hommes du village, son divorce, la garde difficile de son fils qui lui échappe au fil des années, l’arrivée de ce promoteur véreux qui, à la place de châteaux en Espagne, vend des appartements avec vue sur mer. Comme d’autres , il a été séduit, s’est saigné pour acheter et par là- même a renoncé à la promesse faite à son fils d’acheter un bateau.
Quand les villageois se rendent compte de la duperie, la honte, la colère ou encore le dégoût de soi mènent certains à poser des actes irrémédiables comme le suicide ou le vandalisme prémédité. Chez Martial, le mal est insidieux et quand le filou revient une fois de plus le narguer, il est trop tard.
La justice humaine va-t-elle considérer ces circonstances qui mettent un homme à bout ou va-t- elle strictement s’en tenir au fait de crime ?
J’ai aimé:
La lecture de ce roman m’a amenée à réfléchir sur
- la force de la parole qui progressivement fait émerger l’explication, qui permet aussi de prendre distance
- l’éternelle question de la difficulté de rendre la justice : comprendre ? pardonner ? Jusqu’où ?
- l’emprise des manipulateurs sans scrupules et prêts à tout pour parvenir à leurs fins
- l’impuissance de ce père face à son fils, sa difficulté à le rejoindre par honte de ce qu’il est devenu.
Je ne lui ai rien dit, à Erwan. Longtemps je ne lui ai rien dit.(…) Maintenant je demande : est-ce que le silence, c’est comme l’obscurité ? Un trop bon climat pour les champignons et les mauvaises pensées ? Maintenant c’est sûr que je dirais volontiers ça, que les vraies plantes et les vraies fleurs , elles s’épanouissent en plein jour, et qu’il faut parler, oui il faut parler et faire de la lumière partout, oui dans toutes les enfances, il ne fait pas laisser la nuit ni l’inquiétude gagner.
A force de cette noirceur ou nuisance ou maléfice dont les gens comme ça enferrent le monde autour d’eux, à force je ne saurais pas vous expliquer comment, mais ils parviennent à ôter aux autres ce qui leur reste de dignité ou simplement, de logique.

Tanguy Viel